Leur réputation de charognards sournois et furtifs n’aide vraiment pas les chacals dorés de Grèce dont le nombre a décliné au cours des trente dernières années. Le WWF espère qu’une meilleure image auprès du public permettra de soutenir les efforts de conservation en faveur de cette espèce méconnue.
Les chacals sont depuis très longtemps victimes de la rumeur et de la superstition. Déjà associés à la mort et aux esprits mauvais au temps des Egyptiens, ils ont la même réputation de ruse dans les fables qui ont cours au Moyen Orient que le renard dans celles que l’on raconte en Europe. Aujourd’hui encore, on dit des chacals que ce sont des charognards sournois et rusés, des animaux nuisibles qui volent les moutons domestiques et leurs agneaux.
En réalité, les chacals sont à près de 50 pour cent végétariens et se nourrissent de fruits et de baies. La seconde moitié de leur alimentation se compose principalement de charognes et des petits animaux qu’ils tuent: reptiles, grenouilles, poissons, rongeurs, lapins, insectes et oiseaux nichant sur le sol. S’il leur arrive en effet de temps en temps d’attraper un agneau, les chacals sont cependant plutôt bénéfiques pour l’agriculture car ils limitent le nombre de lapins et autres rongeurs.
L’image négative qu’ils ont auprès du public a, hélas, des conséquences plus graves qu’une simple erreur d’identité. En Grèce, cette réputation affecte dangereusement les chances de survie des chacals dorés (Canis aureus) du pays.
Les chacals dorés sont, parmi tous les chacals, ceux qui ont la plus large aire de distribution. Celle-ci s'étend du nord et de l’est de l’Afrique jusqu’au sud-est de l’Europe et, au sud de l’Asie, jusqu’en Birmanie. En Grèce, il y a encoe 30 ans, on pouvait les rencontrer le long de la côte, dans des marais de basse altitude, et même sur l’île de Corfou.
Comme ils ne bénéficient pas auprès du public de la même cote d’affection que les autres grands mammifères, peu d’études ont été menées sur les chacals dorés de Grèce depuis les années 1970. La première recherche scientifique détaillée sur cet animal n’a eu lieu qu’il y a trois ans : inquiété par des indications montrant que la population déclinait, le WWF-Grèce a entrepris en 2000 une évaluation globale de la distribution du chacal doré, de son abondance et des caractéristiques de son habitat.
Les résultats furent alarmants. Au cours des trente dernières années, le nombre et la distribution des chacals ont fondu dans tout le pays, et on a constaté de nombreuses extinctions locales. La population a été réduite à moins de 1000 individus, répartis dans des groupes isolés en Grèce continentale et sur l’île de Samos, dans la partie orientale de la Mer Egée. La situation est particulièrement grave dans le sud de la Grèce où chaque population est isolée et très petite.
Cet isolement et cet éparpillement de la population grecque de chacals dorés la rend extrêmement vulnérable face aux catastrophes naturelles et à toute nouvelle perturbation d’origine humaine. Les groupes isolés sont aussi extrêmement sensibles à la chasse. Comme ces animaux étaient qualifiés de « nuisibles et dangereux », la chasse au chacal est restée légale en Grèce jusqu’en 1990. Entre 1974 et 1980, près de 4000 animaux ont été tués rien que dans deux préfectures de la péninsule sud de la Grèce, le Péloponnèse. Les chacals sont aussi de plus en plus souvent victimes des voitures, d’appâts empoisonnés et de la chasse illégale.
Les chacals dorés sont les seuls mammifères, de taille moyenne à grande, à décliner de façon aussi rapide, en Grèce, lors des trente dernières années ; ils sont maintenant l’espèce de canidés la plus rare du pays.
Le WWF croit que la cause principale de ce déclin est la destruction de l’habitat, que ce soit par le drainage des marécages, l’intensification de l’agriculture, l’urbanisation ou des changements dans les pratiques d’élevage.
Pour trouver des solutions à ce problème, le WWF-Grèce a entamé un programme intensif destiné à garantir la conservation des animaux à long terme.
Une partie de ce travail implique des recherches de terrain et la surveillance continue des animaux, afin de déterminer la cause exacte de leur déclin. L’autre partie consiste à essayer d’améliorer l’image des chacals auprès du public afin que les mesures nécessaires à leur conservation soient prises plus facilement. Ce travail comprend une série de conférences, de présentations, d’interviews et de publications, tant au niveau local que national. Un sondage est en cours auprès des personnes qui vivent dans les régions où il y a des chacals, histoire de prendre en compte leur opinion sur ces animaux avant d’aller plus loin.
Il n’est pas toujours facile de convaincre les gens que les chacals ne sont pas des animaux « méprisables ». Antonis est un berger du village de Monastiraki, près de la région côtière marécageuse de Mornos, au sud-ouest de la Grèce. Il est scandalisé à l’idée qu’il faudrait conserver les chacals. « Les chacals ont tué presque une centaine de mes moutons, » dit-il.
D’autres ont heureusement un avis différent. Vassilis, qui vit dans le même village qu’Antonis, se définit comme un « chasseur environnementaliste » : « Nous n’avons jamais chassé les chacals par ici. Je vis dans la région depuis 38 ans et je vois des chacals très régulièrement, » dit-il. Giorgis, un berger qui est aussi le propriétaire du café local, dit : « J’adore entendre les chacals hurler, ils ne font jamais aucun dégât chez nous. » Son avis est partagé par Polyxeni et par son frère qui chasse régulièrement. Polyxeni s’est jointe à l’équipe du WWF à plusieurs reprises lors des expéditions sur le terrain et elle donne des descriptions extrêmement précises des animaux qui hantaient ses rêves lorsqu’elle était petite.
Encore plus encourageant est le fait que, suite au travail du WWF, non seulement les avis sont sur le point de changer au sujet des chacals, mais de plus en plus de personnes participent également de façon active à leur sauvetage. Sur l’île de Samos, Giannis, chasseur émérite, et son ami Tassos, sont devenus les protecteurs les plus enthousiastes des chacals. « Je ne tuerai plus jamais de chacal, » dit Giannis. Il a aussi appris comment assurer la surveillance continue des mouvements des chacals par radio-tracking et a été d’une aide inestimable pour l’équipe du WWF. Avec des défenseurs tels que Giannis, Tassos, Polyxeni, Giorgis et Vassilis, l’avenir du chacal doré semble un peu plus brillant.
Alexandra Chaini est responsable de la communication au WWF-Grèce
Renseignement complémentaire
Projet WWF pour le chacal doré
Le WWF-Grèce travaille depuis l'an 2000 pour la protection à long terme du chacal doré en Grèce, en facilitant la stabilisation et la récupération de la population de ce canidé. Parallèlement à une campagne d’éducation pour améliorer l’image du chacal en Grèce, le travail de terrain se poursuit afin de déterminer la cause exacte du déclin de l’animal, par exemple la réduction de l’abondance des proies, la diminution des espaces abrités en plein jour, une mortalité supérieure à la normale ou des problèmes de consanguinité.